Charles van Duerm, SJ, Un peu plus de lumiere sur le Conclave de Venise et sur les commencements du Pontificat de Pie VII. 1799-1800 (Louvain: Ch. Peeters 1896), pp. 191-195, no. XXIV [translation into French by Duerm; he does not print the original document]:
Excellence,
La réunion, dont j'ai eu l'honneur de parler à Votre Excellence dans ma derniére dépêche [February 19, 1800], s'est tenue chez le cardinal doyen et les cardinaux Antonelli, Baraschi et Flangini s'y trouvèrent. L'objet de cette réunion fut d'exposer aux trois cardinaux susdits ce qui s'était pratiqué dans les autres conclaves en présence d'une semblable divergence d'opinion.
Une seconde assemblée eut lieu le lendemain, mais le cardinal doyen n'y intervint pas: son substitut le cardinal della Somaglia y parut. On y convint qu'il fallait proposer trois ou quatre candidats tant dans le parti-Bellisomi, qu'on appelle désormais le parti des dix-sept, que dans le parti-Mattei, appelé le parti des quatorze, afin d' indiquer de la sorte qu'il n'était plus question du parti de ces deux cardinaux, mais de tout autre qui serait regardé comme digne d'être élu pape. On n'arrêta pas toutefois le nom des candidats parce que les cardinaux Somaglia et Braschi voulaient s'assurer d'abord des intentions de leurs collègues. Hier donc ils ont déclaré que de leur côté on proposait le cardinal Albani, doyen, en premier lieu (ce que m'avait déjà dit le cardinal Somaglia en m'avouant qu'il désirait mais que jamais il ne lui accorderait son suffrage), en second lieu le Calcagnini, en troisième le cardinal Honorati et enfin le cardinal Borgia.
Le cardinal Antonelli un des députés du parti des quatorze leur offrit de leur indiquer les sujets qui seraient proposés comme candidats par notre parti. Après quelques compliments, ils dirent que lui-même (Antonelli) était le premier: à quoi il répondit: oui volontiers. Je donnerai plus loin la raison de ceci. Le second candidat était le cardinal Gioannetti, le troisième Archetti et le quatrième Valenti. Après avoir nommé ce dernier il répartit judicieusement: celui là, non. Et comme les autres députés lui demandaient pourquoi non, il répondit: parce que parmi vos candidats on ne trouve pas le cardinal Chiaramonti. Le cardinal Braschi répliqua inconsidérément qu'il ne fallait pas exposer ce cardinal et il s'attira cette réponse: pas davantage le cardinal Valenti. On consentit ensuite à nommer le cardinal Chiaramonti et d'autre part on prit aussi Valenti. Le cardinal Livizzani fut notre cinquième. De telle façon les cardinaux Albani et Antonelli sont au nombre des candidats et comme il ne sied pas, qu'en faisant leur exploration, ils apprennent en face leur exclusion, on est tombé d'accord que de la part des dix-sept l'exploration serait menée par les cardinaux Zelada, della Somaglia et Braschi; de notre côté par les cardinaux Gerdil et Flangini et même par le susdit Zelada si quelqu'un en faisait la proposition.
L'exploration achevée et après s'être communiqué mutuellement les suffrages sans nommer personne, on verra quels sont ceux qui auront obtenu assez de voix pour pouvoir raisonnablement espérer de réussir, on tâchera de trouver le supplément de votes nécessaire et on passera au scrutin. Mais les cardinaux della Somaglia et Braschi n'ont pas cru devoir accueillir cette proposition sans s'être préalablement concertés avec leurs commettants.
Voici le motif qui fait qu' Antonelli a accepté sans hésitation d' être proposé. Il avait connaissance du bruit qui courait que ses démarches pour le cardinal Mattei étaient dirigées en vue de sa propre élection dès que les deux partis se seraient dissous.
Afin de donner un démenti à cette rumeur, il voulut être porté sur la liste, car les premiers se voient d'ordinaire exclus, et le nombre des cardinaux qui ne lui sont pas favorables, pour les motifs déjà antérieurement exposés à V. Exc., fait croire que c'est la seule raison pour laquelle il a été mis en avant par le parti contraire. C' est par la même considération qu' Antonelli ne voulait pas qu'en présence de la nomination du cardinal Valenti on ne désignât pas simultanement aussi le cardinal Chiaramonti qui est leur pape à eux.
Le cardinal Antonelli m'a ensuite proposé de voter tous comme un seul homme pour le cardinal Valenti. Comme le cardinal Zelada lui a, du premier jour, donné regulierèment son vote, et que le cardinal doyen a assuré à plusieurs cardinaux qu'il donnerait sa voix au cardinal Valenti, il se fera que nous aurons dix-sept votes contre dix-sept. Ainsi il se pourrait que la dissolution du parti qui nous est opposé amenât l'élection du cardinal Valenti nommé en second lieu dans mes Instructions, dans le cas où celui qui est placé en premier lieu ne viendrait pas à réussir. Il est certain que le parti auquel j'appartiens mettra tout en oeuvre parce qu'il est devoué à la Cour et qu'il est convaincu qu'un cardinal dont le choix serait agréé par S. M. est le plus utile dans tous les temps mais surtout à l' époque actuelle. Nous sommes toutefois encore bien loin d'avoir la certitude de succès. Une difficulté que re prévois se trouve dans le refus possible du cardinal Valenti: cette répugnance ne le rendrait que plus digne du pontificat.
Par rapport au cardinal Bellisomi je répéterai à V. Exc. ce que j'ai déjà, à plusieurs reprises, eu l' honneur de faire observer dans mes dépêches: il est impossible d'amener les quatorze du parti Mattei à voter pour Bellisomi. Et comme je ne veux rien cacher à V. Exc. je lui dirai en toute simplicité que le susdit cardinal Bellisomi baisse encore dans mon estime. Sans aucun doute je le regarde comme un homme d'une grande piété et d'une vie exemplaire. Mais j'ignore si son savoir égale ces deux qualités de premier ordre. Je crains beaucoup que sa trop grande déférence pour les cardinaux de son parti ne convienne point aux présentes circonstances: les cardinaux qui le composent m' inspirent cette appréhension. Si V. Exc. daigne jeter un coup d'oeil sur leur liste, elle verra qu'il ne s'y rencontre en très grande partie que des sujets non agréables à S. M. J'aime à me flatter, que V. Exc. partagera mon avis.
Le cardinal doyen, au dire de ceux qui le voient dans l'intimité, espère beaucoup devenir pape lui-même. J'ai quelque raison de croire qu'il a l'exclusive de l' Espagne et je tâcherai de m'en assurer. Il fait des difficultés au cardinal Valenti parce que, comme me disait quelqu'un, ce cardinal avait un neveu, M. Guerrieri. La difficulté qu'il soulève plaide contre lui, cardinal Albani; de plus, ses parents qui exercent sur lui une si grande influence, rendent cette opposition encore plus significative.
Dans l'état où en sont les choses, il est impossible de prévoir combien de temps durera le conclave et qui en sortira pape. Il pourrait finir en quinze jours, mais il pourrait aussi durer encore longtemps. Je souhaite qu'il prenne fin bien vite: ce climat ne me va point, je suis exténué, les dépenses dépassent mes moyens. toutefois je n'en précipiterai pas le dénouement. Ce que j'ai souverainement à coeur c'est que nous ayons un digne pontife et que le choix tombe sur quelqu'un qui puisse être agréé par S. M. Je fais dans cette vue tout ce que je puis, afin de mériter que S. M. continue à m'approuver gracieusement, ainsi que V. Exc., dont avec les sentiments du plus profond respect je baise affectueusement les mains.
Je reçois à l'instant la dépêche infiniment précieuse de V. Exc., en date du douze du mois courant, et j'en ferai l'usage prescrit.
M. Le cardinal Ruffo me prie de remettre a V. Exc. la lettre ci-jointe de M. le capitaine Ferrari della Torre.
De Votre Excellence,
Le très affectionné serviteur,
F. CARD. D'HERZAN
Venise, 21 février 1800.
The Conclave of 1800 is discussed by Chevalier François Artaud de Montor, Histoire du Pape Pie VII second edition (Paris 1837) I, pp 80-107 [He was an ultra-monarchist and an ultra-Ultramontane]. Cf. Comte Boulay de la Meurthe, "Mémoire d' Artaud sur le conclave de Venise," Revue d' histoire diplomatique 8 (1894) 427-448. Also consult: Alberto Lumbroso, Ricordi e documenti sul Conclave di Venezia (1800) (Roma: Fratelli Bocca 1903) Eugenio Cipolletta, Memorie politiche sui conclavi da Pio VII a Pio IX (Milano 1863) [with documents, especially from Lord Acton and Naples]; Giovanni Berthelet, Conclavi, Pontefici e Cardinali nel secolo XIX (Torino 1903); Gaetano Moroni, Dizionario di erudizione storico-ecclesiastica Vol. 53 (Venezia 1851), s.v. 'Pio VII', pp. 116-118. Gaetano Giucci, Delle vite dei sommi pontefice Pio VII, Leone XII, Pio VIII, Gregorio XVI, per servire di continuazione a quelle di Giuseppe Novaes Volume I (Roma 1857) 39-48 [fulsome in praise of Pius VII]. Pierre Vachoux, Extraits inedits de la correspondance & des manuscrits du Cardinal Gerdil (Annecy 1867), Chapter II, pp. 39-56. Analecta Iuris Pontificii. Dissertations sur divers sujets de droit canonique, liturgie et théologie Troisième série, II. 1 (Rome 1858) 1107-1199. [Documents relating to Cardinal Gerdil]. Charles van Duerm, SJ, Un peu plus de lumiere sur le Conclave de Venise et sur les commencements du Pontificat de Pie VII. 1799-1800 (Louvain: Ch. Peeters 1896) Giovanni Berthelet, Conclavi, Pontefice e Cardinali nel Secolo XIX (Torino-Roma 1903). Fredrik Nielsen, The History of the Papacy in the Nineteenth Century (tr. A.J. Mason) Volume I (London: Murray 1906) pp. 191-218. R. Obechea, El Cardinel Lorenzana en el conclave de Venezia (1975). The alleged exclusion of Cardinal Gerdil by the pronouncement of Cardinal Herzan is discussed by Ludwig Wahrmund, Das Ausschliessungs-recht (jus exclusivae) der katholischen Staaten Österreich, Frankreich und Spanien bei den Papstwahlen (Wien 1888) 230-231. Giovanni Piantoni, Vita del Cardinale Giacinto Sigismondo Gerdil e analisi di tutte le stampate sue opere (Roma: Salviucci 1851). X. Barbier de Montault, Oeuvres complètes Tome troisième: Rome III, Le pape (Paris 1890), pp. 185-189 [the exclusiva: two kinds, defined and illustrated]
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