Berger de Xivrey (editor), Recueil des lettres missives de Henri IV Tome VI, 1603-1606 (Paris: Imprimerie Impériale 1853), pp. 375-376:
Mon Cousin,
Je vous confesse que j’ay esté si sunpris et ravy de joye de l’advis du bon Pape que Dieu nous a donné, que je me suis laissé emporter à des demonstrations et signes d’allegresse et des actions de graces à Dieu, non telles que je devois, mais toutes autres qu’ont esté celles qui ont esté pratiquées en cas semblables par les Roys mes predecesseurs, non seulement à Fontainebleau, ou j'estois, mais aussy en toutes les provinces et villes de mon Royaume; et specialement en celle de Paris; où la ressouvenance de la bonté et des vertus de nostre bon Pere s’est trouvée encores si fresche et entiere aux coeurs de tous les citoyens de toutes-qualitez, que chacun s’est acquicté de ce devoir à l’envy l'un ie l'autre. En quoy je vous asseureque le bon devoir que vous aves faict de me servir et le public en ceste action a eu telle part que vous aves merité et peuvés desirer; dont j’ay, en particulier, receu tant de contentement, que je desire le vous tesmoignes plustost par vrays effects que par ceste lettre; laquelle cependant servira là vous en remercier et vous faire sçavoirque vous m‘avés gagné une victoire la plus signalée et importante à ma reputation et à mes affaires qu’autre que j’aye obtenue de la grace et bonté divine depuis mon advenement à ceste Couronne. Ce que je souhaite maintenant est que nous en jouissions longuement. Or je vous prie saluer Sa Saincteté de ma part; luy representer et tesmoigner ma joye, l' asseurer de nouveau de mon affection à la reverer et servir; luy faisant offre de ma personne et de celle de mon fils et de tout ce qui despend de moy et de ma Couronne pour le service du Sainct Siege et pour l’execution des volontes et contentemens de Sa Saincteté, la supliant de me continuer sa bienveillance et ses sainctes benedictions.
Aucuns ont dict que Sa Saincteté eust peut-estre eu plus agreable que j’eusse esté plus retenu et moderé que je n'ay esté en ces demonstrations et actions de resjouissance desquelles j’ay usé en cette occasion, pour n'accroistre avec le deplaisir la deffiance que les Espagnolz ont conceue de Sa dicte Saincteté, estant necessaire pour rendre son gouvernement aussy utile au public que son intention y est disposée, que chacun ayt pareille esperance et confiance en sa probité, equanimité et benignité, que j’ay. Toutesfois je veux croire que Sa Saincteté ne prendra qu’en bonne part ce qui s’est passé. Et quant à la consequence à laquelle l'on allegue que ce que aj’ay faict m' obligera et mes successeurs pour l’advenir, je reponds à cela que ce Pape estant isseu d’une maison alliée de celle de la Royne ma femme, a deu estre plus respecté et privilegé en ceste occasion, que ne devoit estre un autre qui ne sera allié de moy ny d'elle, raison que je vous prie de dire et faire recevoir par delà ce qu'elle merite, affin que l'on ne repreigne ce qui s’est passé, et que l'on ne pretende cy-aprés de se prevaloir de l`exemple. Auquel propos j'adjousteray que je suis encores en doubte maintenant si je doibs donner la charge à un prince ou à quelque-autre personnage grandement qualifié, d’aller prester l’obedience et faire la submission ordinaire à Sa Saincteté pour, en l’honorant davantage, continuer à manifester en cela la grandeur de l’affection et de la reverence que je luy porte, ou si je doibs me contenter d’y employer l'ambassadeur que j‘envoye par delà, comme il a esté pratiqué quelquesfois. Enfin j’ay estimé devoir avoir, sur ce, vostre advis et mesmes celuy de Sa Saincteté, devant que de m’en resoudre et m'en declarer plus avant. Au moyen de quoy je vous prie de m’en esclaircir au plus tost, et de croire que je n’ay autre mireque de complaire à Sa Saincteté et faire chose luy soit agreable. Mais mon desir seroit d’ilIustrer et magnifier plustostque de retrancher ou d’en amoindrir la dignité d'une telle action à l’endroict du Sainct Siege, pour le respect de la personne de Sa Saineteté, ainsy que vous dirés. Et toutesfois jaime encores mieux de·faillir à ce mien desir que de desagreer ou donner peine aucune à Sa Saincteté au commencement de ce sien pontificat. Conferés-en donc avec Sa dicte Saincteté.
Je ne, laisseray pas pour cela de faire partir et acheminer le s(ieu)r d’Halincourt dedans huict jours, affin que le s(ieu)r de Bethune partant
de Rome, suivant la permission que je luy sy donnée, ceste
demeure vacante le moins de temps que faire se pourra; faisant estat,
aprés vostre response sur cette question, de pourvoir à tout ce qui
sera necessaire pour contenter Sa dicte Sainteté, et me conformer
entierement à ses intentions. Et d'autant que je ne sçay si ce porteur
trouvera encores à Rome le dict s(ieu)r de Bethune, je vous prie, s'il
estoit party, ouvrir les lettres que je luy escris, et executer envers
Sa Saincteté et ailleurs les commandemens que je luy fais. Conferés
aussy avec luy de la susdicte difficulté et pareillement avec le cardinal du Perron, et m’escrivés lilarementce qu’il vous en semble. Et
quand vous m' aurés faict sçavoir les particularitez et circonstances de`ce qui s'est passé en l' election de Sa Saincteté, ainsy que vous m’avés
promis vostre lettre du premier de ce mois, je vous escriray sur
icelles mes intentions. Je m’attends aussy d’apprendre par vostre dicte
premiere depesche les noms et qualitez de ceux seront favorisez
de Sa Saincteté, et auxquels Elle commettra la direction et charge
des publicques, affin de regler sur cela ma conduicte envers
Sa Saincteté et eux.
Le s(ieu)r Strozzy sera porteur des la presente, m' ayant demandé permission d'aller trouver Sa Saincteté, de laquelle, comme il m’a esté
souvent recommandé, j’ay estimé aussy qu’ Elle n'auroit que bien agreable que maintenant je luy lisse pareille recommandation. En
quoy vous de l’assister en reiterant l' office que j'escris a mon
dict ambassadeur qu’il luy face auprés de Sa Saincteté, ainsy que par
vostre conseil il jugera estre bien seant et convenir à ma dignité et aussi bien de mes affaires, et pareillement au gré et au contentement de
Sa Saincteté. Davantage si vous jugés qu'il soit besoin aussy que vous
et mon dict ambassadeur advanciés quelques complimens et remerciemens envers le cardinal Aldobrandin et autres cardinaux du Sacré
College qui ont favorisé la susdicte election de Sa Saincteté, en attendant
que je leur escrive (ainsy que je feray aprés que vous m’aurés informé
plus particulierement de ce qui s'est passé), je vous prie de le faire,
car j’approuve dés à present tout ce que vous en ferés et serés d’advis
que l`on en face. Je m'en remets donc à vous, comme je feray de
toutes mes autres affaires de delà, vous priant d'en embrasser le soin
ainsy qu'il convient, specialement aprés le partement de Rome de mon
dict ambassadeur et jusques à l'arrivée de son successeur: et je prie
Dieu, mon Cousin, qu’il vous ayt en sa saincte et digne garde.
Escript à Paris, le xvi jour d' avril 1605.
HENRY.
DE NEUFVILLE.
Pope Clement VIII had died on March 5, 1605, but the news was not known at the French court until March 13 [Champollion-Figeac, Mémoires et registre-journal de Henri IV, 383-384].
The text printed in italics was originally written in cipher.
John Paul Adams, CSUN
john.p.adams@csun.edu