Berger de Xivrey (editor), Recueil des lettres missives de Henri IV Tome VI, 1603-1606 (Paris: Imprimerie Impériale 1853), pp. 326-328:
Mon Cousin,
Je vous envoye par ce courrier exprés les depesches que nous resolumes avec vous quand vous partistes d’auprés de moi, et mesmes les brevets et pieces necessaires pour departir neuf mil cinq cens escuz de pension sur l’archevesché d'Aux [Auch] et l' evesché d’Angoulesme. Vous trouverés les dicts brevets en blanc, affin que vous et mon ambassadeur les remplissiés des noms de ceux desquels vous conviendrés. Mais j'entends sur tout que le cardinal d’Est soit gratiffié de celuy de douze mil livres sur le dict archevesché d’Aux, et, oultre cela, qu'il luy soit advancé une année de la dicte pension, des deniers sont demeurez és mains de mon dict ambassadeur, affin de nous acquitter envers lui des promesses et offres qui lui ont esté faictes, et par ce moyen l’engager et l’attacher du tout à nous, chose que je me promets que vous et mon dict ambassadeur conduirés si dextrement que vous m' acquerrés ce serviteur, qui me peut estre tres utile, avec le gré et l' approbation de Sa Saincteté et du cardinal Aldobrandin, et je vous prie y faire vostre possible. Vous trouverés deux sortes de brevets de la pension réservée sur l’evesché d’Angoulesme, pour choisir celle qui sera la plus propre. J‘entends que le religieux Bianchi, que j’ay nommé au dict evesché, ne poursuict ses bulles, comme s’il n’avoit intention d’en prendre le tilitre. De quoy vous informerés et me donnerés advis; car, en cas qu’il en fust degousté, il faudroit le mettre au nom d’un autre. Je vous envoie aussy les originaux des pieces qui peuvent servir pour dellendre la pension reservée sur le dict archevesché d’Aux, affin de vous en aider et servir, en cas que le titulaire du dict archevesché entreprist de former par delà quelque opposition et dilliculté, contre son devoir et la raison. A quoy je donneray aussy bon ordre du costé de deçà; mais il sera necessaire que vous et mon dict ambassadeur vous vous roidissiés vivement contre luy, advenant qu’il inst si mal conseillé que de s’opposer à l'execution de ma volonté, ainsy qu’il a esté arresté avec vous à vostre partement.
Je fais estat que vous vous embarquerés à Marseille le xii° de ce mois, comme vous m’avés promis. Le cardinal de Sourdis, ayant sceu que vous avés retardé vostre partement, aprés estre party de Bourdeaux, et s’estre jà advancé jusques ài Castres , est retourné tout court au dict Bourdeaux; mais soudain que j’en ay esté adverty, je luy ay faict une depesche, par laquelle je luy ay expressément mandé qu’il se rende li Marseille, le dict XIIe jour de ce mois : à quoy je me promets qu’il satisfera. Quand le cardinal del Bufalo est party de ce lieu, qui fut le XIVe du mois passé, il estoit incertain s’il iroit par mer ou parterre, et me dit qu’il s’en resoudroit estant arrivé à Lyon. De quoy j'estime qu’il vous aura de present adverty. Celuy de Conti m’ayant prié de trouver bon qu’il list le voyage par mer avec vous, je luy escris par ce courrier que je l’auray pour agreable, et mande par luy au general des galeres , qu’il le reçoive et accommode, car je veux le gratiffier, tant pour estre isseu d`une famille qui a tousjours esté affectionnée à la France, que pour s’estre monstré, en sa vice-legation d'Avignon, tres desireux de me complaire et servir. Au moyen de quoy vous tiendrés la main qu’il soit gratiflié en ceste occasion, et en toute autre qui s'offrira de luy tesmoigner ma bonne volonté.
Le dict cardinal del Bufalo m’a faict plusieurs belles promesses à son partement, lesquelles je veux croire qu’il accomplira estant arrivé à Rome, dont vous le remercierés en luy renouvellant les asseurances que je luy ay données de ma bonne volonté et de l'estat que je fais de celle qu'il m’a promise. Le cardinal du Perron est party d'icy le xxix° du mois passé, resolu de faire toute diligence pour arriver à Florence au temps que vous serés à Livourne. Pour ce faire, il prend le chemin du Po, comme celuy qui est le plus court et commode. J` ay escript par luy au grand duc, et luy ay donné charge de le visiter, de ma part, pour tous. Au moyen de quoy, ne le trouvant au dict Livourne, comme vous ne ferés en ceste saison, il ne sera jà besoing que vous vous destourniés pour le voir, ny le cardinal de Sourdis aussy. De quoy je l'ay adverty, afîin qu'il vous en excuse et qu’il se contente que vous passiés oultre, sans vous destourner pour le saluer, le priant de confier au dict cardinal du Perron tout ce qu’il aura à vous faire entendre pour le bien de mes affaires.
Le roy d’Espagne a mandé le connestable de Castille : il doit arriver icy demain pour me visiter. Si, en passant, il traicte quelque chose avec moy, vous en serés adverty; et, s'il nous delivre la ratiffication des articles du commerce qu’il avoit signez devant vostre partement, nous en advancerons la publication et l’execution, laquelle n’est moins desirée que utile à tous. Au reste, toutes choses ont continué depuis vostre partement à cheminer par les mesmes pas qu’elles faisoient, tant en Angleterre, aux Pays-Bas et en Espagne qu'en mon Royaume. Les Espagnols se promettent tousjours de retirer de la paix angloise plusieurs advantages, lesquels, à mon advis, ne leur reussiront. Les mescontentemens et divisions augmentent assez tous lesjours en Flandres, pour la jalousie que les Espagnols ont du gouvernement et mesmes de la reputation acquise, par le marquis Spinola. A quoy il est tant besoing que le conseil d'Espagne pourvoie d’heure; et du costé d'Espagne l’ on continue à fomenter et recercher soubs main toutes sortes de moyens pour troubler mon Estat, en declarant et protestant neantmoins vouloir estraindre avec moy une plus entiere amitié et bonne intelligence que jamais. Je verray ce que m’en dira le dict connestable, et vous asseurerés Sa Saincteté qu'il ne tiendra point à moy que la paix qu'elle a faicte ne soit entretenue et conservée , comme elle doit estre, pour le bien de la Chrestienté, ainsy que je vous dis à vostre partement.
Le s(ieu)r de la Tremouille est decedé ces jours passez, assez inopinement. De quoy je m’aperçois que les factieux et brouillons de sa religion sont plus desplaisans que les pacifiques. Dieu, vray protecteur de son Eglise tres-saincte, me fera la grace, s’il luy plaist, Se maintenir mes subjects en paix et concorde, comme je desire, affin qu'elle soit glorilïiée et servie ainsy qu’elle doibt estre. C’est aujourd'huy mon principal soucy et le but de mes meilleures cogitations, comme vous dirés à Sa Saincteté , en luy representant vostre creance et l’estat present de mon Royaume et de mes affaires, suivant la charge que je vous en ay donnée et la confiance que j’ay en l’affection que vous portés à la prosperité d’icelles. Asseurés-vous aussy que vous servés un maistre vous aime et embrassera toutes les occasions de le vous tesmoigner qui se presenteront, autant en vostre, absence qu`en vostre presence : et je prie Dieu, mon Cousin, qu'il vous ayt en sa saincte et digne garde.
Escript à Fontainebleau, le iiiie jour de novembre 1604.
HENRY.
DE NEUFVILLE.
John Paul Adams, CSUN
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