Guillaume Ribier (editor), Lettres et mémoires d' Estat des Roys, Princes, Ambassadeurs et autres Ministres , sous les Règnes de François premier, Henry II, et François II Tome second (Paris 1666), pp. 527-528.
Monsieur le Cardinal d' Armaignac, s' en allant resider aupres de Nostre S. Pere, pour le service du Roy, et la conduite de ses affaires, passera par Ferrare, et sera entendre à Monsieur le Duc, comme S. M. est apres à paracheuer et donner ordre aux preparatifs necessaires pour son Armée: s' etant aucune nouvelle que l' Empereur fasse grand amas de gens de guerre en Allemagne, ny en ses Païs-bas; mais a seulement fantaïsie sur ce Mariage d' Angleterre, qui a esté publié aupres avoir esté couppé une infimité de textes, sans y avoir espargné des plus grands et principaux dudit Pays d' Angleterre, dont le peuple ne se peut appaiser, ny la Royne s' en asseurer, de sorte qu' elle se trouve en une aussi grande peine et suspension, qu' elle à point esté, et se retire ordinairement par deça grand nombre de Capitaines, et gens de qualité, et Anglois, dont elle se trouve en une merveilleuse crainte, qu' ils fassent quelque entreprise avec la faveur du peuple. Que led. Empereur fait courir bruit par tous ses pays, que le Roy et luy sont bien avant en pratique de la Paix: voulant se prevaloir de telle nouvelle, pour intimider les uns et les autres. Que le Cardinal Pole Legat de nostre S. Pere, a voulu retourner devers ledit Empereur, pour le fait de sa negociation encores qu' il n' aye emporté du Roy, que response generale, sur tous les propos, que, luy avoit tenus ledit Empereur, touchant ladite Paix.
Dira en outre, que le Roy est en deliberation, quelque despence qu' il fasse pardeça, de maintenir la protection, deffense et conservation de Sienne, et de n' espargner rien pour luy faire un bon effort, au mesme temps qu' il pourra tenir les forces dudit Empereur engagées pardeça, pour embescher de donner aide et secours au Duc de Florence, qui ne peut longuement continuer la despence qu' il fait.
Par tous les advertissemens qui viennent du costé d' Espagne, par autres mains que des Imperiaux, l' on asseure que quelque chose que l' on aye voulu dire de l' or et argent venu des Indes, le Prince en est en aussi grande necessité qu' il est possible; et à grand peine en peut-il avoir amassé, pour faire les frais de son voyage, et payer quelques levées qu' il a faites de gens ramassez qui son de peu d' effet; et refusent les vieux soldats et gens aguerris de s' embarquer et mettre sur la mer, pour faire le voiage d' Angleterre qu' ils ont fort odieux, et consequemment tout le peuple d' Espagne, le mariage de leur Prince avec ladite Reine d'Angleterre, ne pouvans rien estimer de pon de son allée audit pais.
Et afin que ledit sieur Cardinal entende l' intention du Roy, vacation advenant du Papat, Sa Maiesté l' a bien voulu advertir qu' elle n' est pas d' advis de faire partir les autres Cardinaux de pardeça, sur l' advertissement d' une maladie du Pape, qui est sujet à tomber souvent malade pour le mauvais regime qu' il tient, encores qu' il soit de complexion forte; afin qu' il ne semblait à ceux de pardelà, que le Roy envoyast lesdits Cardinaux à la curée.
Toutefois que s' il advenoit une mort soudaine de nostre S. P., et qu' il vid que l' on voulust precipiter le Conclave et le fait de l' Election du Pape futur, pour n' attendre nos Cardinaux, et ainsi les soustraite de leurs voeux, S. Maiesté declare qu' il remet à Messieurs les Cardinalx de Ferrare et du Bellay, audit sieur d' Armaignac et autres leurs semblables qui tiendront son party au Conclave, le jugement de celuy qu' ils penseront et estimeront selon Dieu et leurs consciences, qui sera pour mieux remplir ce lieu, et satisfaire au devoir du Pape, pour le bien universel de la Chrestienté, avec certaine affection vers sa Maiesté, d' où elle se puisse asseurer et prevaloir pour le bien de ses affaires. Neantmoins si ceux de sa parte avec ce qui s'y pourra adioindre, se trouvent suffisans pour faire un Pape à sa devotion, Sa Maiesté declare aus dits sieurs Cardinaux, qu' elle desireroit singulierement, que Monsieur le Cardinal de Ferrare le fust, et que l' on fist tout ce que l' on pouroit pour luy en cet endroit. Mais là où l' on verroit qu' il n' y auroit moyen, il voudroit que l' on tachast d' y faire parvenir le Cardinal de Tournon; et là où il y auroit encores de la difficulté à cettuy-là, que l' on regardast de faire pour Monsieur le Cardinal du Bellay, et le colloquer s' il estoit possible en cette dignité; ou bien où il y auroit de l' empechement, que l' on fist pour ledit sieur Cardinal d' Armagnac: sinon là où les choses se trouveront desesperées pour l' un ou pour l' autre des 4. Cardinaux, et s' il convenoit de se reduire à la creation d' un Italien, led. Seigneur n' en connoist point qu' il aime mieux qui fust Pape, que le Cardinal Verallo; et desir en ce cas, que tous ceux de son party fassent pour luy, tout ce qu' ils pourront, ou bien là où il s' y trouverroit de l' empéchement, et qu' il n'y eust aucun moyen en cet endroit, il auroit agreable le Cardinal S. George; et là où aussi l' un de ces deux-là n' y pourroit parvenir, et que Sainte Croix [Cervini] ou le Moron fust pour y frapper coup, de sorte que l' on ne peust empescher que l' un des deux ne fust Pape, Sa Maiesté trouveroit tousjours beaucoup meilleur, que ceux de sa part convinsent à condescendre à faire pour ledit Ste Croix, encores qu' il y ait soupçon sur luy, de l' intelligence qu' il a avec le Duc de Florence. Mais soit que ledit Moron ou autre Italien, parvienne au Papat, par la pluralite des voeux, Sa Maieste s' assure que les Cardinaux ses partiaux scauront si bien faire valoir les leur, qu' ils obligeront pour le moiris celuy sera Pape, s' il est homme de bien, et non ingrat, à leur porter durant sa vie, perpetuelle affection, comme tenant de Sa Majesté, pour l' une des principales parties, le lieu et dignité où il se trouvera constitué.
À Enner 28 Avril.
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