Sede Vacante 1655


July 20, 1644—September 15, 1644

Incident during the Conclave of 1655
concerning Cardinal Vincenzo Maculani, OP,
Cardinal Priest of S. Clemente,

reported by M. Bourgeois





"Relation de M. Bourgeois, Docteur de Sorbonne, contenant ce qui s'est passé à Rome en 1645 et 1646, pour la Justification du Livre de la Fréquente Communion,"   Oeuvres de Messire Antoine Arnauld   Tome Vingt-huitième (Paris: Sigismond d'Arnay 1779), 695-699 :

 

 

XIX.  Je fis part aussi-tôt à mes amis de l‘audience favorable que j’avois eue de S. S. et de l’espérance que j’en avois rapportée. Les premiers que je vis, furent le C. Grimaldi , M. d’igby et le P.  Commissaire du S. Office, Ils en eurent tous trois beaucoup de joie; mais il n’y eut que les deux premiers qui me la témoignerent ouvertement, le dernier n’osant le faire, parce que sa qualité de juge, et le  silence de l'lnquisition, l'obligeoient à une plus grande retenue. Ce fut par le conseil de ces trois que je pris la résolution de voir les Cardinaux de l' lnquisition; tant pour leur rendre mes respects, que pour leur donner connoissance de mon affaire, dont ils devoient être les juges. Je les vis tous, jusqu‘à ceux-mèmes, que je savois n’ètre de leur compagnie que ad honores, comme étoient les Cardinaux Lanti, d’Este, Albornos, de la Cueva. Mais comme je m’acquittois de ce devoir à l’égard, des derniers, plutôt par civilité & bienséance, que par nécessité, je me contentai de les voir une fois.

M. le Cardinal Grimaldi voulut que je saluasse aussi le Cardinal Sant-Onofrio, frere du Pape Urbain VIII, plus vénérable encore par son grand âge et par sa sainteté, que par la dignité; et il me fit l'honneur de me présenter lui-mème à cette Eminence, qui me fit un très bon accueil, et me témoigna, que si ses infermités lui permettoient, il appuyeroit volontiers de son suffrage une cause aussi juste que celle que je défendois, et qu’il étoit persuadé, qu’il se commettoit de grands abus dans l' adminsltration des Sacrements de la Pénitence et de l’Eucharistie, et que les Théologiens qui travailloient à les réformer,  étoient louables. Je n’eus l'honneur de le voir que cette seule fois, parce que Dieu l’appella à lui peu de jours après [September 11. 1646].

Je vis souvent le Cardinal François Barberin son Neveu, comme l’un de ceux qui étoient des plus confidérés de l’Inquisition, et je pouvois me promettre de lui une puissante protection, si j'en eusse eu besoin, et s’il eût été plus longtemps à Rome : mais la rupture survenue entre les deux Familles des Pamphiles et des Barberins , ayant obligé ses deux freres, le Prince Préfet et le Cardinal Antoine, de se retirer en France, il les suivit peu de temps après.

XX.  Le premier que je vis de mes juges, entre les Cardinaux, fut le Cardinal de S. Clément de l’Ordre des Dominicains [Vincenzo Maculani, OP]. Comme je ne doutai pas que le Pere Commissaire du S. Office, qui étoit son ami et du même Ordre, ne lui eût parlé favorablement de moi et de ma cause, je l’abordai avec beaucoup de confiance, et plutôt comme mon Protecteur, que comme mon juge. Je trouvai en sa personne la douceur d’un Chrétien; dans son accueil, l’humilité d’un Religieux, dans fon ameublement très-simple, très-pauvre et sans tapisserie, la pauvreté d’un Mendiant; dans ses entretiens, la science d'un Théologien; dans ses raisonnements, les lumieres d’un DiscipIe de S. Thomas: et parce qu’il me fit l’honneur de m’entretenir, dès cette premiere entrevue, avec une bonté et une ouverture de cœur tout-à-fait surprenante, de les affaires les plus secretes, je vis et trouvai dans ses actions, les persécutions et sa conduite, la sainteté d’un Prêtre, le courage et la constance d’un grand Cardinal. L’entretien que j’eus avec lui sur mon affaire, fut assez court; parce qu’il en étoit déja inslruit, et que sa bonté pour moi prévint les demandes que je venois lui faire de sa protectlion, par l'assurance, qu’il me donna, qu’elle ne me manqueroit pas au besoin, parce qu’il regardoit cette cause comme celle de Dieu et de l’Eglise; me faifant néanmoins entendre, que, puisque le Livre de la  Fréquente Communion n’enfermoit que la nécessité de la pratique du délai de l’absolution dans les cas exprimés et commandés par le grand S. Charles, je n’avois rien à craindre pour ce Livre.

XXI.  Ce qui l’obligeoît de couper court notre entretien, étoit le desir qu’il avoit de me parler de celle de ]ansénius, qu’il regardoit comme la sienne. Je ne me souviens point d’avoir vu, en qui que ce soit, une paslion plus forte que celle qu’il me témoigna pour la doctrine de cet Auteur, ni de joie plus grande que celle que je lui fis, en l’alssurant qu’il avoit deja banni la Molinisme et toute grace suffisante  molinienne de la Sorbonne; qu’elle ne paroissoit plus sur les bancs, ni dans les Theses des Bacheliers, ni dans les Ecrits des Professeurs; qu’il ne se soutenoit plus d’autre Prédestination que celle de S. Augustin et de S. Thomas; c-est-à-dire, la gratuite; ni d’autre grace de ]esus Christ que l’efficace. Ces dernieres paroles nous porterent insensiblement, de la grace efficace, à la suffisante des Thomistes, que ce Docteur Thomiste ne vouloit pas abandonner. Mais m’étant expliqué, et lui ayant fait voir, que, selon les principes de son Ecole, toute grace suffisante, quoique toujours inefficace à l’égard de l’effet qu‘elle peut produire, ne laisse pas d’ètre efficace à l’egard d’un autre moindre effet, que Dieu a dessein de produire par elle, cette Eminence agréa mon explication, que je lui dis ètre de Jansénius. Mais, pour l' éclaircir un peu davantage du fentiment de Jansénius sur cette grace suffisante, je lui dis, qu’encore qu’il reconnût en ellet la grace suffisante des Thomistes; puisque l’expérience nous fait voir, que nous recevons souvent des inspirations et des graces, auxquelles nous résistons, ne suffasant pas le bien auquel elles nous portent, néanmoins il ne pouvoit tomber d’accord qu’on les dût appeller suffisantes dans les principes de S. Thomas : et voici la preuve que je lui en donnai. Selon S. Thomas, une cause est appellée suffisante à l'égard d’un certain effet, lorsqu’outre cette cause nulle autre chose n’eft nécessaire pour le produire.  Or, outre cette inspiration, et cette grace, qu’on appelle suffisante chez les Thomistes, quelqu’autre chose est absolument requise et nécessaire pour la production de son effet; savoir une grace plus forte et une prémotion physique: donc selon S. Thomas, cette inspiration ou cette grace ( inefficace ) n’est point suffisante. ...

 

XXI.  ... Nous passàmes de cet' entretien à celui de la diversité qui se trouve entre les preuves des Thomistes et celles de Jansénius, qui, convenant dans les principes de la Prédestination gratuite et de la grace efficace, se trouvent merveilleusement divisés quand il s’agit des preuves. Je ne lui dissimulai pas, que celles de Jansénius me paroissoient préférables, parce qu’elles étoient plus simples, plus Augustiniennes, et qu’il les avoit copiées presque mot à mot de S. Augustin; que les Thomistes n’avoient fait qu’affoiblir la vérité, voulant  la soutenir par des raisons humaines, et des principes de Philosophie. Je lui marquai en particulier celui de la subordination, et dépendance des causes secondes à l'égard de la premiere.  Je lui dis, que je croyois qu’on le poussoit trop loin, voulant qu’elles ne dépendent pas seulement de Dieu, quant à l’ètre et à la puissance, mais quant à toutes les actions, tant bonnes que mauvaises; et que S. Augustin, et les principes de la foi, vouloient bien en effet que toute nature dépendit de Dieu, quant aux bonnes actions, mais nullement quant aux mauvaises; à quoi elle ne suffit que trop toute seule par elle-même. Le Cardinal me fit bien voir qu’il n’ignoroit pas ce qui je dit dans l’Ecole de son Ordre, sur la différente maniere dont Dieu concourt aux bonnes actions et aux mauvaises, en distinguant la substance de l’acttion mauvaise, que Dieu produit, de la malice de l’action, qu’il ne produit pas. Mais comme il étoit également doux et humble, il me témoigna qu’il ne vouloit pas s’engager dans la défense de ce principe de son Ecole; qu’il se pourroit faire qu’on le poussât trop loin; mais qu’il ne falloit pas que ceux que Dieu avoit unis dans l’amour et la connoissance de la vérité, le divisassent dans les moyens de la défendre; que ceux qui les cherchoient jusques dans la Philosophie n’étoient pas blàmables, puisque les lsraélites avoient pu se parer des habits des Egyptiens d’une maniere qui étoit innocente, quoiqu’elle parut criminelle; mais qu’il ne vouloit pas que ce qui ne doit être que l’accessoire dans les Traités théologiques, devint le principal; et que la Philolophie, qui ne devoit être que la servante dans la maison d' Abraham, usurpàt l’autorité de Sara, qui ne lui appartient pas, et dominât sur la Théologie. Quant à lui, que son inclination seroit celle qui paroissoit dans les Livres de Jansénius; que comme on suit S. Augustin en tous ses principes, comme le plus grand Maître de l’Eglise, on le suivit de même en tout, en ses preuves et en ses réponses; et qu’il ne doutoit pas que ce ne fût là l’esprit et l'intention des Théologiens de son Ordre y qui ne seroient pas Disciples de S. Thomas, s’ils ne l'étoient à plus forte raison de S. Augustin, le Maître de Ieur Maitre.

Nous finimes ici notre entretien sur ces matieres. Il recommença sur ses affaires particulieres et domestiques, et il le fit d' une maniere si obligeante et si ouverte, et avec de si grands témoignages de confiance et d’amitié, que je ne fus à quoi attribuer cette conduite, si ce n’est, que, sachant, que j’avois l’honneur d’avoir le Card. Grimaldi pour protecteur, qui étoit alors presque le seul fidelle, aussi bien que lui, à la famille Barberine, il crut qu’il seroit bon qué je fusse l’etat de sa fortune, et que l'indisposition du Pape contre les Baberins s’etendoit jusqu'à lui. J ’appris de ce bon Cardinal, que le Pape lui avoit retranché depuis un mois sa pension de Cardinal pauvre, qui etoit de deux mille écus par an. Il m’en dit les prétextes; mais que la véritable cause étoit, qu’il, n’avoit pas voulu se séparer des intérêts de la famille Barberine, qui n’etoit pas moins la bienfaictrice du Pape, que de lui Cardinal; et plusieurs autres choses tres-secretes et très-particulieres, qui, ne concernant mon affaire en nulle maniere, et n’étant de nulle édification, doivent être plutôt supprimées que publiées. L’honneur qu’il me fit en notre séparation, de me témoigner que je lui ferois plaisir de le voir le plus souvent que je pourrois, m’a obligé de lui rendre mes respects plus assidument qu’aux autres; et je ne doute nullement qu’il ne m’ait rendu, dans l’Inquisition, de très-bons oflîces dans la défense de notre Livre. 

XXII.  Mais, avant que de passer à la visite des autres Cardinaux, la vérité et la reconnoissance que je dois à ce bon Cardinal, m'obligent à ne point passer sous silence une chose qui se passa dans le Conclave d'Alexandre VII, apres la mort d’Innocent X., Elle est tres-glorieuse à sa mémoire, et servira de preuve convaincante de tout ce que j'ai dit ci-dessus, de son [Maculani's] humilité presque incroyable, et de la violence du Cardinal Albizzi.

Un grande partie des Cardinaux , qui étoient assemblés en ce Conclave pour donner un Pape a l' Eglise à la place d’lnnocent X, jeterent Ies yeux sur le Cardinal de S. Clement, et lui donnerent leurs voix comme  a celui qu'ils estimoient le plus capable de la remplir, en sorte qu’il ne lui en manquoit que deux ou trois pour une élection canonique. Le Cardinal Albizzi fut saisi d’une telle frayeur, que l' appréhension qu’il eut que ces trois voix, se joignant aux autres, il ne vît aussi·tot S. Clément sur le trône, que, tout hors de lui-même, et transporté d’une espece d’enthousiasme, il se mit en place au milieu des Cardinaux, leur criant de toute sa force, qu’ils perdoient tout, qu’ils ne savoient ce qu'ils faisoient, qu’ils ne connoissoient pas celui qu’ils vouloient donner à l' Eglise pour pape, qu’ils ne savoient donc pas que S. Clément étoit un Janséniste déclaré, et que la premiere chose qu'il feroit, si Dieu permettoit son élection, seroit de casser la Bulle de son prédécesseur contre Jansenius.

Ces emportements et cette chaleur de foie de ce Cardinal, ne surprit guere le Sacré College, qui le connoissoit; elle fut reçue dans un grand froid et un profond silence; et dans l'assemblée du lendemain, toutes les mêmes voix se trouverent pour le Cardinal de S. Clément. Ce fut alors que l’épouvante du Cardinal Albizzi passa dans le Corps des Jésuites. Ils ordonnerent aussitôt, dans toutes les maisons de l’Ordre, des prieres de quarante-heures, pour obtenir de Dieu l’exclusion du Cardinal de S. Clément. Elles sont venues jusqu’en France, et ont été faites en toutes leurs Maisons de Paris. Mais ce ne furent ni les doléances et les calomnies du Cardinal Albizzi, ni les prieres des Jésuites qui empècherent l’élection de ce saint Cardinal; ce fut fa modestie et son humilité, autant que nous pouvons juger des choses sans pénétrer les jugements de Dieu. Ce qui fuit en fera une preuve évidente : car comme au bout de huit ou dix jours les Cardinaux, qui, au nombre de trente-sept ou trente-huit, n’en avoient pas nommé d’autre, lui eurent remontre, que, n’ayant pu gagner en tout ce temps le peu de voix qui leur manquoient, il seroit juste qu'il les aidat dans un dessein dont l' innocence lui étoit mieux connue qu’à personne : qu’il n’y avoit rien de plus aisé que de gagner deux ou trois voix dans un grand nombre de Cardinaux; qu’il ne lui en coûteroit qu’un mot; qu’il devoir s' aider un petit, ajutarsi in poco, et que cela étoit permis. La réponse qu’ils en tirerent fut celle-ci: qu’il leur étoit très obligé de la bonne volonté qu’ils lui témoignoient; mais qu'ils ne le connoissoient point; qu'il étoit très-indigne et très-incàpable de la dignité qu’ils lui vouloient procurer; que les autres Cardinaux jugeoient mieux qu’eux de lui, et qu’il devroit plutôt se joindre à eux; mais que; ne voulant pas désobliger ses amis, tout ce que  sa conscience lui permettoit, étoit de ne rien faire ni pour ni contre, et de s’abandonner à la divine Providence. Cette réponse si modeste et si chrétienne, et digne d’un autre siecle, n’ayant pas été bien reçue de quelques uns, les divisa, et donna lieu au parti du Cardinal Chigi, sage politique, d’en profiter, et de l’élever peu de jours après sur le trône des SS. Apôtres, sous le nom d’Alexandre VII.

XXIII.  Les paroles que les Cardinaux amis du Cardinal de S. Clément lui disoient, soutenant qu’il étoit permis de s’aider en des occasions de cette sorte, qui ne me semblent ni véritables ni excusables,  serviront d’excuse à cette petite digression. Je ne voudrois pas me rendre caution de tout ce qui se dit et se fait dans les Conclaves; parce queles Cardinaux y sont enfermés sous la clef, n’ayant et ne pouvant avoir aucun commerce, ni par discours ni par lettres, avec toutes les personnes du dehors. Mais où les hommes ne peuvent entrer, les passions humaines et les tentations plus qu’humaines n'y  entrent que trop ordinairement. Ces paroles, que la Théologie condamne après S. Thomas, ne peuvent s' excuser par la bonté et l’innocence du zele qui les fasoit dire à ces Cardinaux.

XXIV.  Mais ce qui peut diminuer un peu leur faute est, qu’il étoit notoire dans Rome en ce temps-là , qu’elles avoient été comme canonisées par la bouche du Pape Innocent X. J’en fais la vérité d’original, et de la personne même, qui, les ayant entendues de la. bouche de ce Pape, n’en a fait secret à personne, et qui étoit bien éloigné de les dire comme les croyant désavantageuses au Pape, puisqu’il ne les rapportoit que pour fe justifier soi-mème en son particulier. C’étoit un Religieux, autrefois Général de l’Ordre de S. Antoine en Viennois, nommé M. le Mercier, qui demeuroit à Rome, et de qui je l’ai appris comme plusieurs autres. Il avoit été élu Général de cet Ordre assez canoniquement, ce sembloit; mais parce que quelques Religieux de l’Ordre s’étoient opposés à fa prise de possession, le procès ayant été porté à Rome, le jugement en fut laissé à la Congrégation des Réguliers. Le Général étoit accusé d’avoir acheté quelques voix par des promell'es de Bénéfices, ou de Commanderies, les premieres vacantes à la nomination de ce Général: ce qui seul rendoit l' élection simoniaque, et par conséquent nulle; mais c’est ce que le Général nioit hardiment....

 


Bourgeois was the representative of twenty French bishops at the Papal Curia for the defense of the book "On Frequent Communion".

Girolamo Grimaldi-Cavalleroni, son of a Genoese senator,  was named cardinal on July 13, 1643.  He had most recently been Nuncio in France (1641-1643).

Vincenzo Maculani. OP, had been named a cardinal on December 16, 1641.  He had previously been Master of the Sacred Apostolic Palace (1639-1641), and Commissary of the Holy Office (from 1632).  He died on February 16, 1677.

Francesco Albizzi became a cardinal on March 2, 1654.  He had previously been Referendary of the Two Signatures and Assessor of at the SC of the Roman and Universal Inquisition (from 1635).  He was the Secretary of the Congregation on the matter of Cornelius Jansen. He died on October 5, 1684.

 

 

link to documents on  papal  election-1644

May 2, 2015 8:02 PM

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