F. Petruccelli della Gattina, Histoire diplomatique des conclaves Volume II (Paris: 1864), p. 454-458:
Nous avons commencé la visite des cardinaux. Pinelli fait semblant de dédaigner la tiare et il en délire. Camerino [Mariano Pierbenedetti] se plaint des mauvais renseignements qu"on a donnés contre lui à Aldobrandîno et à la cour de Madrid, où on l'a peint comme un homme terrible et emporté. Cependant vraiment il est tel; car gare à qui veut le contraire : il faut faire avec lui le coup de poing. Il médit d‘Aldobrandino; mais s‘il devenait pape il le combleraît de grandeur. [The Marquis de] Villena fut mal accueilli par San Giorgio, qui aura une bonne part au conclave, Aldobrandino étant malade et roulant surle chemin de la phthisie. Le siège vacant est peut-ètre arrivé mal à propos pour Borghese. Il resta vivement ému de l‘offre de Votre Altesse de l' élever au pontificat. En sortant du conclave, on peut rattacher avec lui le fil des négociations entamées par Nicolini, pour le fixer au service de Votre Altesse. Bianchetto [Lorenzo Bianchetti] aurait voulu me pousser à calmer les Français, qui sont inplacables contre lui, à cause de la dispense du duc de Berry et de la dissolution du mariage de Navarre. Je me suis servi au contraire de ce levier pour amener les Français à seconder' Montalto , lequel exclura Bianchetto avec eux. Ce papable est enfoncé. Avila, doublé de Zappata, parlera en conclave au nom du roi. Tous les deux commettront cependant de grandes sottises, étant niais et présomptueux. L'abbé Mancini, qui entre en conclave avec Doria, nous écrira et nous tiendra au courant despensées du parti espagnol.
L’ambassadeur français ne paraît pas sûr de la
réussite de sa ligue avec Aldobrandino, bien que celui-ci mette pour condition à son union avec l’Espagne
d’agir à sa façon. L' ambassadeur se préoccupe de ce
qu'il lui puisse écheoir un pape contre son gré. Tosco
lui va. Quoique Villena intrigue pour Como, celui-ci
n’est plus redoutable : personne autre ne veut de lui.
Aldobrandino s’est plaint avec l' ambassadeur de l’Empereur de la mauvaise foi de Villena: cette plainte est
réciproque et fondée. Montalto et Aldobrandino n’ont
pu se mettre d’accord sur la promotion de leurs créatures et sur l’aide que l’un prèterait à l'autre. Montalto
appelle Villena menteur, sans foi et sans talent, un
homme qui ne comprend rien aux affaires. Monti ne
demande pas l' archeveché de Florence, ce qui l’obligerait à s'éloigner de Rome. Il veut tout simplement une
pension sur les rentes de ce diocèse, afin que Votre
Altesse puisse avoir ici toujours un cardinal à son service. On parle de Sauli comme pape avec tant d'assurance, qu' Aldobrandino, quoique malade et ayant perdu sa mère ce matin, a été obligé d' organiser déjà
son exclusion. J’ai parlé à Pio du mariage de la fille
de Ridolfi; et comme en temps de siége vacant il ne
sait pas se décider à toucher de l'argent au qu’il espère
mieux ailleurs, je lui ai signifié que, si dans ce conclave il ne sert pas bien Votre Altesse, peut l' édifce
reste bouleversé. Il m’a promis que, si Monti est circonspect et muet, il fera ce qu’il pourra. On dit que
Montelpero est le pape du duc de Lerme, non pas du
conseil d'Espagne. La France et Aldobrandiuo le rejettent, ainsi que tout autre moine. Deti s' offre. Nous
verrons ce que cet enfant saura faire ; en attendant, il
ne nous coûte pas un sou. Serafino est, âme et corps, à
Villeroy. Il dit pourtant que, sans Votre Altesse, il
crèverait de faim. On lui promet cependant, à l` arrivée
d'Alincour, une subvention extraordinaire et une pension fixe de France. Il voudrait bien que Votre Altesse
lui envoyàt 1,000 écus. Il espère aussi un ameublement pour la maison qu’il bàtit. J’ai donné à. Montalto
la botte destinée au pape Léon, les médicaments a Pa-
lotta; les quarante bouteilles de vin français seront
partagées entre deux cardinaux. Ginnasio est arrivé.
L' exclusion de Votre Altesse pour ce cardinal m’afflige; nous contrarions bien du monde parmi nos amis.
Il est la prunelle des yeux d’Aldobrandino: ils ont
ensemble sur le tapis deux mariages de neveux.
L' union d`Aldobrandino et de l' Espagne devient
impossible : elle est incompatible aux vues des deux.
La ligue des cardinaux-chevaliers, c’est ainsi que se
nomme celle de Montalto, Farnese, Sforza, etc., s‘est
formée. Deti promet son vote secret à Sauli, mais il
exige le plus grand secret pour ne pas blesser Aldobrandino. Montalto lui dira quand on aura besoin de
lui. Pour Spinelli, je le laisse là: on a fait ce mot sur
lui : Spinelli a donné sa parole, mais il dit qu`il‘ enverra la reprendre. Tosco, Madruzzo, San Marcello
sont malades. Avila aussi est au lit, mais il veut entrer
en conclave avec élan. Montalto refusait de traiter avec
lui; Villena a réussi à le radoucir. Avila aura pour
conseillers Zappata et Monti. Ginnasio ne se doutera
jamais que Votre Altesse ne 1’agrée point, tellement je
l'ai repu de caresses. Tarugi est en enfance, mais il pose
pour pape. Ascoli crève de santé et espère. Visconti
s’est séparé définitivement d’Aldobrandino, à. cause de
l’exclusion de Sauli son parent : il s’est attaché à la ligue des cardinaux-chevaliers. Les conventions de la
ligue des cardinaux- chevaliers,— c'est-à-dire Santa Cecilia, Acquaviva, Sforza, Montalto, Farnese, d’Este,
Avila et autres, au nombre de trente-sept,— sont les
suivantes : qu‘aucune créature d’ Aldobrandino ne doit ètre pape, si l’on n’a pas essayé auparavant de faire
réussir un cardinal de Montalto; qu`il est permis à
Montalto d`exclure Como, et aux Espagnols Camerino;
qu’aucun d'eux ne puisse concourir sans les autres à l’élection de quelqu’un; que si l’on est obligé au choix
d’une des créatures d’Aldobrandino, on ne consentira
jamais, d'aucune façon, ni à l’élection de Baronio et de
Ginnasio, repoussés par l’Espagne, ni à celle de San
Marcello et San Clemente, repoussés par Sfondrato; et,
en général, on écartera tout cardinal d’Aldobrandino
qui ne réunirait pas la majorité des votes des cardinaux
de la ligue. L‘ambassadeur de France est fort embrouillé; il s’est refroidi sur la faveur qu`il montrait
pour Sauli, commençant à comprendre que ce cardinal
pencherait plutot vers l’Espagne et Votre Altesse que
vers la France. Il ne voit pas le pape du futur conclave;
et moi je ne le trouve pas non plus. Il ne veut pas faire
une faction à part et se séparer d’Aldobrandino,
n'ayant pas un nombre suffisant de cardinaux pour
constituer une bande française. Son mépris pour Montelpero est invariable. Il m'a dit qu' Aldobrandino
s’est plaint de moi, qui tâchais de capter les votes secrets de ses créatures en faveur de Sauli : je lui ai répondu que je n'étais pas déjà si neuf pour ne pas savoir que l'on ne fait plus les papes par scrutin. Cet ambassadeur français est un homme ambitieux, présomptueux, orgueilleux, soupçonneux et très-borné. Sourdis lui-mème ressent le chatouillement de la papauté;
et je l'ai gratté à propos là où il ressentait la démangeaison. L`ambassadeur de l’Empereur exclut San Marcello. Camerino se plaint de Villena et dit qu' après la
mort de sa femme, ayant mis le pied dans la maison
Conti, Villena fait et défait les papes selon le désir des
dames de cette maison. Joyeuse est très-inquiet sur le
succès du conclave : ll a peur que cette fois on n’ attrrappe un pape ennemi et qu`il ne conjure pas Montelpero.
John Paul Adams, CSUN
john.p.adams@csun.edu