Guillaume Ribier (editor), Lettres et mémoires d' Estat des Roys, Princes, Ambassadeurs et autres Ministres , sous les Règnes de François premier, Henry II, et François II Tome second (Paris 1666), pp. 828-830:
Monseigneur,
incontinent que le Pape fust mort il y eut grand differend entre le Camerlingue [Guido Ascanio Sforza di Santa Fiora] et le Cardinal de Naples [Alfonso Carafa]; lequel a cause de l' Office de Regent [Regens Camerae] nouvellement creé par le feu Pape, et dont il avoit esté pourveu par luy, vouloit estre égal audit Camerlingue, et avoir pareille puissance tant au Palais, qu'aux autres lieux et affaires durant la vacation de Siege. Cette querelle fut terminée par le College qui ordonna que le Cardinal de Sainte Fior [Guido Ascanio Sforza di Santa Fiora] demeureroit seul pour cette fois, et feroit comme de coustume sans prejudice à l'advenir des droits du Regent qui en demeura tres mal-content, comme aussi fist le Cardinal Caraffe: mais il leur fallut avoir patience pour crainte de la fureur de ce peuple qui estoit a la devotion dudit Camerlingue, et faisoit infinies insolences; monstrant une extréme haine contre le nom des Caraffes, qui craignoient qu'on ne les vint assommer jusques dedans le Palais, dont ils ne furent pas hors de danger, ny le Pape mesmement s'il ne fust mort: considerant cette multitude la folie qu'ils avoient faire de brûler l'Inquisition avant que sa Sainteté fust expirée; et doutoient aucuns et mesme des Cardinaux qu'elle eust sçint certe extremité, pour avoir occasion de pardonner à ses Néveux, et les rappeller aupres d'elle. Quant au Finances que le bon-homme à laissées, il s'est trouvé au Chateau [Castel S. Angelo] trente mille escus, et douze mille escus en sa garderobe, desquels le College s'est saisi, et en ont départy une bonne partie entr'eux; et au reste ont rescindé plusieurs Actes du Defunt, deposé Officiers, restably ceux qui avoient este déstituez, rendu terres et possessions, pris connoissance de cause et donné divers jugements, sans oüir que l'une des parties, et faite infinies autres choses, comme s'ils estoient Patrons absolus, et non pas Conservateurs de ce qui appartient au Pape futur: de sorte que les deportemens du S. College n'ont pas esté trouvez moins estranges que ceux de flolle multitude. Entre autres choses, on s'est ébahy de la deliberation du Cardinal Moron, non point tant pour le regard du fait en soy, comme de la precipitation dont il usa; estant, au jugement des plus Sages, chose de telle importance qu'elle meritoit bien y penser pour le moins un jour; qu'il ne fust possible d'obtenir.
Le corps du Pape ne fut porté à S. Pierre comme de coustume, mais en la chapelle de Sixte avec Gardes, de peur qu'on ne luy fist outrage, et puis la nuit enterré à S. Pierre avec deux cens Harquebusiers. Je vous ay écrit comme ce peuple, outre les autres insolences, avoient brisé; la Statuë dressé au feu Pape in Campidoglio: cela fut fait le mesme jour de sa mort, et luy rompirent seulement le nez et un bras. Mais un jour apres par Ordonnance et Decret public pris en leur Conseil audit Campidoglio, ils luy couperent la teste qui a esté roulée quelques jours par les ruës, et à la fin jettée en une chainicque. Et apres que Marc-Antoine Colonne et Ascaigne de la Corne furent icy, semblablement par commun Conseil et Assemblée, les Barons et Gentils-hommes Romains furent en grande cavalcade devers le College demander qu'il leur fust permis d'aller tuer le Duc de Palliano jusques à Galleze, ou il estoit lors, et est encore. Au surplus firent ban public au nom du peuple Romain, à ce que les armes de la Maison Caraffe fussent effacées et rompuës sur peine de mettre le feu en toutes les maisons où elles serioent trouvées. Autant en a-il esté fait par les eglises, combien qu' elles fussent à cause des fondations et dotations faites par ceux de ladite Maison. Cependant, Marc Antione Colonne reprenoit son Estat; lequel il tient sout à present, excepté Palliano, où est encore Jean Bernardin Carbon. Surquoy le Cardinal Caraffe me pria de faire quelque remonstrance au College en faveur dudit Duc, et de protester de la rupture de la Paix: d' autant que ledit College souffroit que ledit Duc son frere Chevalier de l'Ordre du Roy, et compris au Traité fust ainsi contre les articles et conventions d'iceluy violemment spolié. Enquoy je voulus bien complaire audit Cardinal, pour ne luy donner occasion de se separer du tout de nous; mais ce fut avec telle moderation que sans forme de Proteste, ny parole qui put offenser le College, ny mesme Marc-Antoine, je ne laissay de dire ce qui appartenoit a la dignité et authorité du Roy, dont ledit Cardinal qui estoit present se contenta: et depuis m'a tenu plusieurs propos, comme s'il avoit delibere de se monstrer vray Serviteur du Roy en cette occasion, dont je me suis tousjours remis à croire à ce que l'en verrois par esffet. J'ay parlé tousjours à luy franchement selon ma coustume, et me semble qu'il connoist bien que je ne luy dis rien que verité et pour son profit. Mais je pense qu'il soit tant engagé de l'autre costé, et si possedé de ce Fabricio de Sanguini, qu'il est difficile qu'il fasse rien qui vaille, ny pour luy mesme, ny pour nous. Là le Duc de Palliano me fit ententre qu'il fait envers luy infinis bons offices pour le service du Roy, et m'envoye monstrer les lettres et polices qu'il luy fait tenir. Je ne sçay qui est le plus sage, mais le plus heureux de toute cette Maison là est le Cardinal de Naples; se trouvant avec plus te rentes et commoditez que les autres, et selon ce que disent aucuns, avec grands meubles, tant de bagues que d' argent jusques à deux cens mille escus le tout; et que ce qu'on a trouvé au Paoe, n'avoit esté laissé que pour monstre.
A Rome, 15. Septembre.
Babon E. d'Angoulesme.
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