Guillaume Ribier (editor), Lettres et mémoires d' Estat des Roys, Princes, Ambassadeurs et autres Ministres , sous les Règnes de François premier, Henry II, et François II Tome second (Paris 1666), pp. 259-261:
Sire,
Ayant trouvé moyen de pouvoir faire sortir cette lettre seurement de ceans par un trou que nous avons fait à la chambre du Cardinal du Bellay, j'ay estimé à grand bon heure vous pouvoir advertir des nouvelles de ce lieu, ou il y a 21. jours qu'avec les autres je suis arrivé, y ayant trouvé bonne compagnie de vos Cardinaux, et des Italiens vos serviteurs, qui y ont jusques à nostre arrivee si bien fait leur devoir, que je leur ferois tort de vos le taire, conduits du Cardinal de Ferrare, qui en cét affaire a tant fait de devoir, qu'on ne le peut, ny celer, ny dissimuler; car, Sire, si nous avons esté attendus si long-temps, et si l'Empereur n'a fait Pape selon son intention, vous luy devez, et à ceux qui l'ont suivy, lesquelles par sa dexterité il vous a gagné serviteurs, et ne fistes jamais en Italie tant pour vostre service que de luy avoir envoyé; car sans cela vous seriez tres-mal servy.
Depuis nostre arrivée en ce Conclave, nous avons mis si bonne peine de garder vostre bande, que, Dieu mercy, nous n'en avons perdu pas un. Quant au Papat, nous nous tenons asseurez qu'il tombera entre les mains de Foursoulou, ou de Rigolieres, ou de Brusquet, ou de Roustigouti, ou de Maistre Guillaume, ou du Frasier. Quant à Foursoulou, j'y ay esperance, s'il ne gaste tout; car nous pouvons le mener jusques à 29. voix assez asseurées, et Farnese donne quelque esperance d'achever les quatre qui restent. car il faut trente-trois voix pour faire un Pape, s'il nous manque au besoin, et que du tout il se mette hors, il n'y aura plus d'esperance. Quant a Brusquet, Farnese s'est declare son ennemy, l' Empereur par lettres a declaré n'en vouloir point, et jusques icy est sans esperance, quelque chose que ceux de dehors veulent dire du contraire. Je ne sçay s'il amandera, pour le moins il s'y fait bonne diligence. Rigolieres pouroit bien y venir par crainte que l'on aura des autres, nous n'y oublions rien. Roustigouti, selon vostre commandement, est fort pourchassé et desiré de nostre bande: et si Farnese ne nous trompe, il asseure qu' il le fera, si nous ne pouvons avoir Fourfoulou: Maistre Guillaume ou le Frasier le seroient dés demain si nous voulions, et ne nous peuvent manquer: mais pour vostre service nous essaierons tous les autres auparavant; et pour cét effet, nous patienterons tant que nous y aourons esperance: car je pense fermement qu' ayant l'un des premiers quatre, vous vous pouvez asseurer d'avoir ce que vous scauriez demander. Ces deux icy seront bons et ennemis de l' Empereur: mais asseurément personnes de qui il ne faudroit rien esperer que Pardons. Quant à Maistre Pierre, nous l'avons favorisé et favorisons: mais jusques-icy personne n'en veut, ny aussi du Theatin.
Viola, Sire, tout le secret du Conclave, et la pure verité, et croyez que tout ce qui s'en dit à Rome, ce n'est autre chose qu'une fable. Quant a Farnese, il s'est joint jusques-icy aux Imperiaux pour faire le Pole Anglois, et seroit demain prest à les laisser venir à nous pour faire Maistre Guillaume, ou le Frasier: mais il me semble que nous aurions grand tort d' abandonner vos seurs et vieux serviteurs, tant que nous aurons esperance pour aller aux nouveaux; mesmement que j'espere à la fin que nous aurons du tout Farnese, où sert merveilleusement ce que j'ay donné charge à vostre Ambassadeur de vous mander, ne luy ayant pas voulu dire tout le reste, et si vous demandez ce que j'en pense de ces quatre premiers lequel plus tost, je ne vous le sçavrois dire; car dela sera plustot fait ue connu: et quant au temps, il ne se peut seurement dire, mais j'estime que dans les Roys tout sera achevé: et si plustot vos Cardinaux fussent venus, je pense qu'il a long-temps que nous fussions sortis; ne vous pouvant celer, Sire, que nous vivons tous en si grande amitié, et si unis, qu'il n'y a autre debat qu' à qui fera mieux pour vostre service.
De la prison du Conclave ce 28 Decemb. la nuit. Sire, Mr. le Cardinal de Ferrare aura, s'il vous plaist, la mesme part en cette lettre, et luy sera commune, vous estant enuoyée de personnes qui sont de commune affection.
Charles Card. de Guise. Hipp. Card. de Ferrare.
Les Cardinaux de la bande Francoise à present au Conclave, Trani, Salviati, Boulogne [Philippe de la Chambre], de Monte, Tournon, Bellay, Lenoncourt, Cesis, Meudon, Armaignac, Amboise, Guise, Veroli, Ridolphi, Pisani, Chastillon, Sermonetti, Ferrare, S. George [Girolamo Capodiferro], Crispo, Vendosme. Lorraine arrive demain, Bourbon j' espere qu'il sera icy dedans cinq ou six jours, nous avons envoyé le prier de faire toute diligence; de Giuri ou Annebault, nous n'en avons point de nouvelles. Gady a jusques-icy fait le fou autant Imperial que nostre, neantmoins nous nous en servirons comme je croy au besoin, et sera bien fait luy faire quelque jour sentir. Theatin [Carafa] et Saincte Croix sont vos serviteurs: mais ils ne monstrent affection qu' a leur conscience. Tous les autres sont Imperiaux et Farnese, excepté deux secrets que l'Ambassadeur vous mandera, et deux autres, dont à tous les besoins Monsieur le Cardinal de Ferrare nous fait servir.
Nous Charles Cardinal de Guise et Hippolyte Cardinal de Ferrare, promettons au sieur Camille Ursin, estant de present dedans la ville de Parme, pour et au nom du Sainct Siege vacant, la defendre et garder, luy fournir et faire tenir par chacun mois à Boulogne ou Venise, ou lieu des deux que ledit sieur Camille advisera pour le mieux, la somme de douze mille escus, à commencer du premier jour du mois de Decembre 1549, et est par nous faite certe promesse pour la defense et conservation de ladite ville; laquelle promesse nous voulons avoir son effet et dures jusques a la creation d'un nouveau Pape, et 15 jours apres icelle, et si'il advenoit cependant que quelque grosse armée se dressast contre ladite ville pour l'aller assaillir, et que le College des Cardinaux ne voulust pourvoir a la defense d'icelle; perseverant toutefois cette grande force, de maniere qu' il y eust camp de grosse et notable armée plantée devant ladite ville, qui l'assigeast jusques à y faire batterie, nous promettons au dit Camille deslors fournir par chacun mois la somme de quinze mille escus jusques à ladite creation de nouveau Pape; et quinze jours apres icelle: et si ledit sieur Camille estoit contraint par force d'armes, et apres avoir enduré batterie et assault, de rendre et abandonner ladite ville, ou bien que nous n'eussons fourny par chacun mois ladite somme comme nous promettons, nous voulons et declarons que ledit sieur Camille sera absous et libre de toute sa promesse.
©2011 John Paul Adams, CSUN
john.p.adams@csun.edu